Analyse "systémique" de la compétitivité

1.1 Du niveau supranational au niveau local

L'analyse systémique de la compétitivité souligne l'importance des facteurs qui déterminent l'évolution de systèmes économiques qui ne sont pas considérés systématiquement sous l'angle des approches de macro et micro-économie traditionnelles. La distinction de quatre niveaux d'analyse, le niveau micro, méso, macro et méta, et l'étude de leurs relations ne sont pas seulement pertinentes à l'échelle des économies nationales. Elles aide également à comprendre l'évolution des économies locales et régionales ainsi qu'à aborder les facteurs supranationaux. Le tableau 1 illustre comment procéder à cet effet.

Le tableau 1 étudie les facteurs depuis différents niveaux d'analyse et différents niveaux d'agrégats, en les abordant selon le point de vue de la promotion de l'économie locale. Penchons-nous à présent sur différents domaines afin de comprendre comment les facteurs des autre niveaux peuvent influencer, former ou limiter le travail au niveau local.

• Niveau méta: (1) La concurrence entre les différents modèles du capitalisme est une réalité qui dépasse la simple théorie. A la suite de la crise asiatique de 1997 par exemple, un véritable conflit émergea: était-il préférable pour un pays donné de copier le modèle du capitalisme anglo-saxon, ou valait-il mieux reprendre le modèle d'Asie orientale du capitalisme guidé, ou peut être le modèle européen de capitalisme à socialisme modéré, ou encore un modèle complètement différent? (2) Les modèles politiques et économiques de base d'une société influencent les différentes possibilités de développement pour les municipalités et les régions de ce pays, sans pour autant les déterminer entièrement. (3) C'est particulièrement vrai dans les pays où les provinces jouissent d'un certain degré d'autonomie et proposent visiblement une variété de modèles administratifs orientés vers le développement. (4) Cependant, même au niveau local il n'est pas rare de constater que la capacité de définir un objectif commun de développement varie fortement, même entre villes avoisinnantes.

Tableau 1: Facteurs déterminants de l'analyse " systémique " la compétitivité aux différents niveaux des agrégats

	Niveau Supranational	Niveau National	Niveau Régional	Niveau Local
Niveau Metal	Concurrence entre différentes économies de marché   innovant	Modèle de développement national, systèmes novateurs nationaux	Identité régionale Capacité stratégique des acteurs locaux	Capacité des acteurs locaux à coopérer, confiance, milieu
	(1)	(2)	(3)	(4)
Niveau Macro	Marchés financiers internationaux	Cadre macro-économique (p.ex. impôts, système financier)	Politique budgétaire solide Capacité d'investissement du gouvernement régional	Politique budgétaire solide Capacité d'investissement du gouvernement local Qualité de vie
	(5)	(6)	(7)	(8)
Niveau Meso	Politique industrielle de l'UE Politique technologique de l'UE Protocole de Montréal	Promotion des nouvelles technologies, promotion de l'exportation, agences de financement spécialisées Politique environnementale sectorielle	Développement économique régional, centres de démonstration technologique, instituts de recherche et de développement, institutions pour la formation, politique environnementale régionale	Promotion de l'économie locale et promotion de l'emploi, institutions pour la formation, incubateurs d'entreprises, Chambres
	(9)	(10)	(11)	(12)
Niveau Micro	Corporations transnationales Chaînes de valorisation à l'échelon mondial	Corporations de taille moyenne et grandePropagation de réseaux	Grappes de PME régionales	Grappes d'entreprises locales, sous-traitance locale
	(13)	(14)	(15)	(16)

• Niveau macro: (5) et (6) Il suffit de repenser aux turbulences économiques des années 1990 pour comprendre pourquoi les conditions-cadres macro-économiques au niveau supranational et national créent les opportunités de développement aux niveaux régional et local. Mais pourquoi y aurait-il un niveau macro régional (7) et local (8)? Les provinces et les municipalités n'ont aucun pouvoir en matière de politique monétaire ou de commerce extérieur. Cependant, leur politique budgétaire a un impact majeur sur les opportunités de développement. En cas de déficit ou de faillite, il va de soi que les opportunités à lancer des projets de promotion du développement seront limitées.

• Niveau méso: (9) Pour les citoyens européens, l'existence d'un niveau méso supranational paraît évident, tout comme existent les politiques européennes régionale, de l'emploi, de l'agriculture, des technologies et ainsi de suite. Mais on commence également à trouver des incarnations - quoique timides - de ces politiques au niveau méso dans les pays du Marché Commun du Sud (Mercosul) et de l'ANASE. A l'échelon mondial, le protocole de Montréal est un exemple de méso-politique. (10-12) Il est difficile de décider si dans une économie donnée, il faut appliquer telle ou telle méso-politique à l'échelon national, régional ou local. La politique des technologies par exemple est menée en même temps sur ces trois niveaux. Au niveau national, on mène un politique de promotion des nouvelles technologies génériques; au niveau provincial, on soutient leur intégration aux entreprises, et l'administration locale organise des incubateurs de technologie afin de venir en aide aux jeunes entrepreneurs qui veulent intégrer cette nouvelle technologie à leur entreprise.

• Niveau micro: Les entreprises locales, notamment celles de manufacture, ne se limitent rarement qu'à la localité. (13) Certaines d'entre-elles sont intégrés à des chaînes de valorisation globales, c'est à dire qu'elles produisent pour des acheteurs étrangers identifiables, et non pour le marché mondial anonyme. D'autres entreprises sont affiliées à des corporations transnationales. Ces deux cas de figure limitent le nombre de possibilités à mener des actions locales. (14-16) De même, des entreprises intégrées à des réseaux de fournisseurs nationaux ou régionaux auront des attentes particulières par rapport aux initiatives de promotion du développement local; elles souhaiteront par exemple des initiatives de promotion de grappes d'entreprises. Si certaines entreprises sont d'avis que leur principal promoteur de compétitivité c'est leur relation avec des acheteurs à l'échelon global ou leur intégration aux chaînes de valeur s'étendant au niveau national, elles ne seront peut-être pas enthousiasmées par les initiatives locales.

Vue sous cet angle, l'observation de la promotion de l'économie locale permet d'identifier non seulement différents champs d'action possibles, mais encore les limites structurelles aux initiatives locales (voir Meyer-Stamer 2003 pour plus de détails).

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1.2 Promotion de l'économie locale et analyse "systémique" de la compétitivité

Qu'est-ce qu'implique au juste, d'un point de vue pratique, une initiative de promotion de l'économie locale qui se base sur l'analyse "systémique" de la compétitivité? L'analyse "systémique" de la compétitivité est importante autant pour l'évaluation de l'économie locale que pour la conception d'interventions de promotion de l'économie locale. Cette approche conduit à une pratique de promotion de l'économie locale qui se démarque de l'approche traditionnelle.

L'approche traditionnelle de promotion de l'économie locale s'apparente souvent au schéma suivant: Un gouvernement local ou régional décide de lancer des activités de promotion de l'économie. Il passe par une entreprise de consultation ou fait faire des recherches pour arriver à évaluer l'état de l'économie locale ou régionale. Les consultants analysent le niveau micro et méso de l'économie, en se servant d'outils tels la méthode d'analyse SWOT ou les stratégies et avantages concurrentiels selon Porter. Le résultat de cette évaluation est ensuite comparée à la supposée meilleure pratique de l'économie et de sa promotion. Le résultat final de ce travail aboutit à un profil de spécialisation de l'économie désirable et à une longue liste d'activités concrètes pour arriver à approcher ce profil.

Une analyse "systémique" de la compétitivité conduit à un diagnostic et à un plan d'action différents. Le diagnostic non seulement tiendra compte des facteurs aux niveaux macro et méta, mais en plus il les mettra en valeur. Qu'est-ce que cela signifie concrètement? Vous trouverez les réponses ci-après:

• Le niveau macro à l'échelon local concerne la capacité financière du gouvernement local et la cadre de réglementations locales. Si le gouvernement local est fortement limité au niveau du budget, sa capacité à développer un travail sérieux en faveur du développement est limitée elle aussi. Il ne sert donc à rien de proposer les méthodes de travail dernier-cri, à moins que le coût n'en soit presque nul. Si le cadre local des réglementations n'est pas favorable aux entreprises (en même temps par rapport aux réglementations qui existent au niveau local et à la manière d'appliquer les réglementations venant d'échelons gouvernementaux plus élevés), le travail que le gouvernement local fournit pour le développement n'est pas crédible. Avant de commencer à s'occuper des méso-politiques, l'administration locale doit d'abord mettre de l'ordre chez elle, c'est à dire de lever les obstacles inutiles qui encombrent son économie.

• Le niveau méta à l'échelon local concerne, surtout et avant tout, les acteurs locaux - leur habilité à communiquer, à s'accorder sur la définition des principaux problèmes, à formuler des activités de développement concrètes et à les appliquer de manière efficace. Si de sérieux déficits apparaissent dans cette partie du diagnostic, encore une fois, il ne sert à rien de proposer une longue liste avec les méthodes de travail les plus modernes.

L'analyse des facteurs locaux aux niveaux macro et méta définit les paramètres pour pouvoir poursuivre des activités aux niveaux méso et micro. Si l'analyse montre que les acteurs sont très compétents, capables de résoudre des conflits et à l'aise avec les approches stratégiques, il sera alors possible de concevoir une méso-politique locale exigeante et ambitieuse. Si par contre l'analyse aboutit à une conclusion moins encourageante, la méso-politique ne doit pas seulement en tenir compte, en évitant les propositions trop ambitieuses par exemple, mais doit aussi réagir à ces faiblesses en suggérant des solutions adéquates, par exemple sous forme d'activités simples qui mènent à des résultats concrets et rapides, et qui aident les acteurs à lever les obstacles de méfiance et de division.

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